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Congo-Brazzaville : « Foudres d’Afrique, les impostures d’une révolution » de Paule Fioux, Editions l’Harmattan, par Appolinaire Ngolongolo.
L’histoire politique violente du Congo-Brazzaville continue à s’écrire avec le sang des congolais, comme le démontre les récents événements, avec la réforme brutale des institutions, une élection présidentielle contestée, des massacres de populations civiles dans la région du Pool, l’incarcération arbitraire d’opposants politiques, dont l’un d’eux le colonel Marcel Tsourou qui vient de mourir en détention le 17 février 2017.
Au mois de février 1972, cette violente histoire politique s’est emballée, avec le coup d’état manqué du lieutenant Ange Diawara. Cela a donné lieu à près de 200 arrestations, à des assassinats et à une répression massive. Quelques coopérants français, solidaires de ce mouvement de contestation ont subi le même sort.
Le maquis du li
eutenant Ange Diawara a été démantelé le 24 avril 1973 avec la collaboration du président Mobutu Séssé Séko du Zaïre. Le groupe a été transféré à Brazzaville et fusillé sur le champ. Comment assumer cette période sombre de l’histoire du Congo, en tirer les enseignements, s’en libérer afin de s’en protéger pour le futur ?
La réponse à cette interrogation nous est apportée 45 ans après, par le roman émouvant de Paule FIOUX qui nous plonge au cœur d’un drame qui a bouleversé l’histoire politique du Congo. Elle aussi a été victime de cette répression. Arrêtée, torturée, emprisonnée et jugée, elle nous livre dans ce roman un témoignage bouleversant. C’est le regard d’une européenne, arrivée au Congo pour enseigner, dans le cadre de la coopération technique et qui n’a pas hésité, à sympathiser pour le progrès de l’Afrique avec certains jeunes congolais : « au projet d’une société meilleure, équitable et fraternelle pour les idéaux de justice et de dignité ».
L’héroïne du roman s’appelle Clara. Elle est arrêtée selon la version officielle pour un « complot armé » et « capturée dans des opérations militaires » et considérée comme une espionne internationale, avec des liens supposés avec la C.I.A. ce qui est totalement erroné. Elle sera victime de la barbarie d’un régime aux méthodes staliniennes. Au fil des pages, elle raconte avec une clarté à couper le souffle, la cruauté des hommes en treillis, armés, qui se livrent à des tortures à l’endroit de ceux qu’ils considèrent comme des « bandits ». Ils sont pourtant jeunes, mais l’âge des captifs importe peu. Ils bastonnent sans scrupule au mépris de la dignité humaine.
Clara est donc arrêtée et sa maison mise à sac, au mépris des règles élémentaires du droit. Dans l’hystérie de cette répression, elle pense à son ami musicien assassiné, dont la rumba donnait des ailes à son peuple. La description de cette barbarie permettra sans doute, à chaque congolais et à chaque congolaise, de comprendre un épisode de la genèse de la violence politique dans laquelle se trouve enlisé le Congo-Brazzaville. Clara ne cite pas l’ensemble des protagonistes de cette tragédie, afin de laisser aux lecteurs la liberté de leur imagination.
Les pages défilent, pour permettre au lecteur de s’abreuver du récit de Clara et d’une amie, Claire, elle aussi arrêtée, qui subissent pendant plus d’un mois, sans sommeil ni repas suffisant, des interrogatoires, des tortures et des humiliations. Après avoir rencontré en détention son ministre de tutelle, Clara rencontre le président aux grosses lèvres qui l’interroge.
-Pourquoi as-tu aidé ce renégat ? La révolution, c’est moi qui la dirige, pas lui. Il a pris des armes il sera tué comme un chien.
Clara répondra :
-C’est un mouvement populaire et clandestin, parce que le parti ne tolère guère l’expression démocratique. Il emprisonne pour délit d’opinion. Les paysans sont abandonnés par le régime et veulent sortir de la misère.
Cette réponse franche laissera des traces dans l’esprit du « chef de la dictature du pouvoir des fusil ».. Tous les captifs vont subir, de jour comme de nuit, des dégradations physiques et mentales considérables lors des interrogatoires incessants et des tortures à l’état-major.
Au stade où l’on joue au football, le président livre à la fureur d’une foule fanatisée, les auteurs du complot « pour tenter de faire couler leur sang ». Or, même si le coup d’état manqué avait obtenu le soutien des membres éminents du Parti, du gouvernement et des officiers de l’armée, il y avait aussi des jeunes d’à peine 20 ans, des chômeurs et des lycéens que l’on ne pouvait exhiber comme « des diables sortis des boîtes ». Les péripéties de cette tragédie sont relatées avec la franchise d’une femme qui ne renoncera jamais à ses convictions pour négocier sa libération.
Clara ne manque pas d’évoquer les raisons profondes qui l’ont conduite à quitter la France. Ce n’est pas pour échapper aux ennuis existentiels, ou pour le goût de l’exotisme ou l’appât du gain, mais pour ses idéaux de paix et de justice et ses préoccupations pour le destin des pays africains. Née au Maroc, un pays semi -désertique, elle découvre émerveillée, la faune équatoriale et le majestueux fleuve Congo. Elle évoque son travail d’enseignante, ses rapports avec les élèves mais aussi des impressions sur la vie au Congo et son regard sur la coopération du pays avec les autres pays du bloc communiste.
Pour observer de l’intérieur, le mouvement historique du M22, la pensée politique de l’époque et les atrocités d’un régime qui prétendait servir la révolution, lisez le livre de Paule FIOUX qui par son style littéraire, a trouvé les mots, les sons et les images justes pour éclairer les lecteurs.
Appolinaire NGOLONGOLO
Journaliste
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