Un roman sur le maquis d’Ange Diawara et de ses compagnons, par Lecas Atondi Monmondjo.
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Un roman sur le maquis d’Ange Diawara et de ses compagnons*.
« Foudres d’Afrique : les impostures d’une Révolution ». Tel est le titre de ce roman publié par Paule Fioux, aux éditions l’Harmattan, dans la collection « Écrire l’Afrique », en 2017. Il restitue l’engagement enthousiaste, pour des combats émancipateurs, d’une frange de la jeunesse « mondialisée » des années 60-70. Le récit s’arrête sur une page de l’histoire de l’Afrique équatoriale livrant certains faits jusqu’ici tus ou ignorés. C’est à travers le personnage de Clara, une jeune française en état d’arrestation, que sont ressuscités les élans, les malheurs et les souffrances attachées à la cause d’une révolution.
C’est un roman sur le M22, écrit par une Française coopérante de son État. Avec des Congolais et d’autres coopérants furent engagés dans le soutien aux maquis de Ange Diawara et de ses compagnons. Ce combat est mené contre l’OBUMITRI au pouvoir, incarnant le néocolonialisme. Le roman a été publié en janvier 2017, et une présentation publique en a été faite en mars dernier. Des Congolais et des Français prirent part à cette manifestation culturelle et politique. C’est avec une profonde émotion que 45 ans après, l’évocation du maquis est faite par une figure emblématique du procès de Brazzaville de 1973.
Foudres d’Afrique, vient après le « M22, une Expérience au Congo, Devoir de mémoire » de Pierre Eboundit, un acteur éminent du M22, dirigeant du réseau clandestin de la ville de Brazzaville. Le M22 retrace l’histoire. Pierre Eboundit y mêle la tranche de vie et les péripéties de l’engagement des jeunes du M22 qui combattent l’OBUMITRI, système politique dénoncé par « l’Autocritique du M22 ».
Ce livre de Pierre Eboundit date de 2009, il fut édité par CCINIA Communication, collection Sambela.
Foudres d’Afrique est un ouvrage de 252 pages et comporte six chapitres. Le roman s’ouvre sur une scène de jeunes prisonniers gardés sur un balcon de l’État-major. Ils reçoivent des coups des militaires bérets rouges. Ils sont malmenés, maltraités comme des bêtes et subissent des humiliations. Ce que Paule nous communique c’est cette ambiance d’angoisse face à des brutes qui plastronnent et terrorisent. Clara, c’est le sobriquet de Paule est recroquevillée. Ce texte respire l’insolence des militaires qui jouent les intellectuels. « Qu’est-ce que le temps ? Comme ils n’obtiennent pas des réponses qu’ils attendent, ils distribuent des insultes : ignorants, bandits. Toi, tu n’ouvres pas la bouche, vous faites la politique et vous ne savez pas ce qu’est le temps… Toi aussi tu veux entrer au gouvernement pour gagner de l’argent… »
Les premières pages soulignent le désordre. Ce ne sont pas les interrogatoires, avec des questions et des réponses consignées dans un procès-verbal. C’est des hurlements et des aboiements. Où est D* ? (mis pour Diawara). Les échanges entre prisonniers sont furtifs. Personne ne sait ce que l’autre a déposé, on soupçonne que certains ont lâché. En tous les cas, les enquêteurs prétendent tout savoir, il ne reste aux prisonniers qu’à confirmer par des aveux, leurs forfaits. C’est le chantage et l’intimidation qu’on utilise.
La dissimulation.
Tout comme Eboundit, Paule Fioux a recours encore à des noms fictifs : D* pour Diawara ; O* pour Olouka ; M* pour Malonga ; I* pour Ikoko. Les jeunes compagnons du M22 sont FAO, NSO, MOK, OM.
Eboundit procède de la même manière pour désigner aussi les traîtres que les amis, en recourant à des lettres. Les grands protagonistes de ces événements sont encore vivants et la prudence reste une grande nécessité.
Des aveux minces.
Les enquêteurs veulent tout savoir sur Diawara, devenu pour tout un cauchemar. Clara ne révèle rien. Du reste quand les militants considérés des rafles et des arrestations, tout ce qui pouvait constituer des preuves a été brûlé et détruit. On découvre chez cette française, du sang-froid, et encourage qui désarme. Clara est née d’un Père qui a au Maroc appris par aux combats de gauche.
Des foucades du président.
Des pages extraordinaires exposent la psychologie du président (Marien Ngouabi). Il convoque les coopérants pour discuter avec eux. On découvre que ses convictions ne sont pas si claires (page 120). La Constitution réglerait la contradiction État-Révolution au service du peuple. Trois portraits géants surplombent la petite table et les sièges : sont suspendues Marx, Lénine est coincé entre eux de Gaulle. Il n’y a, de places pour des œuvres fulgurantes de l’École de peinture de Poto-Poto.
Si cette rencontre se passe bien, les autres sont houleuses. Clara affronte Ngouabi qui éructe « la révolution, c’est moi pas D* (Diawara), ce bandit que tu as suivi. Sois-en sûr je le tuerai ». Elle réplique : « la terreur n’est pas une réponse à une opposition démocratique, à la critique de certaines dérives, ose avancer Clara ». Chaque mot prononcé par elle devient un pétard.
« Toi Clara, tu gagnes plus d’argent que moi en un mois. Qu’est-ce que vous voulez vous les blancs ». Il les interroge lui-même et s’insurge contre le soutien des intellectuels français à ces coopérants et à la cause du maquis. Alors, il n’hésite pas à les faire monter dans un engin blindé pour les exhiber au stade, devant une foule qui hurle : au poteau, au poteau.
Il y a l’introduction d’une solution extraordinaire avec un personnage de l’ambassade de France. Ngouabi exige une autocritique que tous rejettent.
Les motivations politiques.
C’est le ministre Henri Lopes, chef du département de l’Éducation nationale, qui avait en France exposé lors des recrutements les remises en cause des enseignements. Et il comptait sur ces coopérants pour opérer une vraie révolution de l’enseignement, en s’inspirant de l’École du peuple.
Des anciens de mai 1968 se jetèrent dans ce chantier avec enthousiasme. Se sentant engagés dans la cause congolaise, et naturellement, ils apportèrent leur appui au courant le plus avancé de la lutte au Congo (la Montagne). Ce rapprochement avec le maquis releva d’une démarche naturelle.
Étant entendue, que l’action du parti du rouge (PCT) ne se détachait point du néocolonialisme. Le président et sa propagande hurlent des mensonges : « nous avons la preuve vivante d’un complot international qui organise les forces de la réaction pour briser la lutte exemplaire du peuple Chok Chok au (Congolais) ».
Clara est devenue l’espionne de la CIA, et dans l’hystérie on hurle « les ennemis du peuple recevront un châtiment exemplaire. On invente de toutes pièces des machinations. Elle qui fut arrêtée chez elle, est désormais présentée comme une capture des opérations militaires. Mais la presse internationale désarçonne le régime et son président.
Des révélations.
Clara conte sa visite au maquis qu’elle atteignit dans la nuit et son contact avec Diawara. Leur discussion a trait au projet de rencontre avec le président d’en face. Clara y est opposée. Il y est question d’y rencontrer un diplomate chinois. Elle prend encore le courage de traverser le fleuve Congo en compagnie d’une autre amie rencontrer Diawara. Diawara explique son contact : “il veut que je prenne le pouvoir dans trois mois. Comme partenaire, il me préfère au président d’en face. Il me prête son armée autant que nécessaire pour faire le siège de la capitale, ce serait simple… Il a de nombreux projets de coopération. Pour finir, il m’a proposé de me parachuter au-dessus de la forêt pour rentrer. J’ai refusé” (page 170 et 171).
Clara commente : l’ogre africain et le timonier d’Asie se frottent les mains ensemble. Le Chok Chok pourrait tomber dans leur besace. On connaît la suite de ces amitiés qui ne firent pas l’unanimité. Sont aussi poignants les récits de la mort du jeune Malonga (Piment) qui a déserté l’armée. Il a été exécuté comme Olouka. L’anecdote de Diawara bien que ligoté qui crache à la face de Ngouabi est célèbre.
Le procès de Brazzaville est burlesque.
Il est présidé par Henri Lopes. Pierre Nzé, membre du bureau politique du Comité Central du PCT assure le rôle de procureur au Commissaire du gouvernement.
Des avocats prestigieux de Paris sont là pour prendre la défense d’abord des Français. Les Congolais s’inquiètent de ce que leurs droits ne soit pas respectés. Il y a Gisèle Halimi, défenseur de la cause des combattants du FLN algérien, Me Henri Leclerc, et Josiane Moutet, connus comme des personnalités de gauche.
Il est mieux de lire l’ouvrage de Gisèle Halimi, l’Avocate irrespectueuse pour comprendre les pressions exercées par le pouvoir de Brazzaville, dont Henri Lopes pour obtenir une autocritique en bonne et due forme des prisonniers français. Le livre de Paule Fioux conte la bagarre avec Gisèle Halimi qui finit après moult hésitations du pouvoir par arracher les coopérants de la prison et les embarquer avec elle pour Paris. Aucun coopérant n’aura fait de déclaration. Me Gisèle Halimi l’aura fait à leur place. Dans ce livre, on retrouve les propos célèbres d’Henri Lopes : “il n’y a pas de révolution qui n’est pas mangée ses propres enfants. Vous êtes des gauchistes, vous voulez tout brûler. La révolution a ces étapes”. (Page 214).
La meilleure conclusion de ce roman est dans ses phrases : “la révolution a été décimée, aujourd’hui, elle est décapitée. Un camion militaire sillonne les quartiers havrais sa plate-forme montrant les cadavres de Ange Diawara et de ses compagnons. La macabre exhibition trouve son apogée au stade de football où la foule est conviée pour applaudir. Ce fut le 23 avril 1973, une date mémorable. La fin du maquis fut la fin de l’expérience de la gauche au Congo”.
Lecas Atondi Monmondjo
* Article publié dans le journal « La Semaine Africaine du mardi 25 avril 2017, n° 3685, page 17.
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