Paule Lejeune : « Hommage au Chanteur Révolutionnaire Franklin Boukaka, lâchement assassiné en février 1972. »
En hommage au Chanteur Révolutionnaire Franklin Boukaka,
Lâchement assassiné en février 1972.
Camarade Franklin,
assassiné par l’impérialisme français,
tombé sous les coups
décès de bourgeoisie bureaucratique congolaise
qui brandit bien haut dans le ciel de l’Afrique
le drapeau rouge,
mais pour mieux abattre ce drapeau rouge,
le vrai,
celui des masses opprimées du monde entier.
Franklin,
au firmament du star-system,
tu pouvais conquérir ta place,
les music-halls t’auraient ouvert leurs portes,
les maisons de disques te tendaient la plume à signer les contrats.
Au joli temps néocolonial
ne faut-il pas des hommes de couleur
qui chantent et se déhanchent
dans nos capitales blanches ?
Franche gaieté, naïveté,
c’est bon tout ça pour un public blasé.
Et ils font croire, ces noirs, à l’illusion
du « Tout est changé maintenant,
nous sommes tous égaux, blancs ou noirs de peau. »
Camarade Franklin,
tu as refusé ce destin
de valet chantant de l’impérialisme.
Cette voix si simple et si directe,
Cette voix si belle qui fut la tienne,
tu l’as mise, toi,
au service du peuple.
Tu es rentré dans ton pays,
aux rives de ton Congo natal.
Tu as vécu la misère néocolonialisme de ton peuple,
dans ses quartiers à lui,
sans eau et sans lumière,
enlisés de boue et de miasmes mortels,
dans ces quartiers relégués dans les anciens marais,
tandis que dans les grands espaces verts et collines
de Brazzaville
la bourgeoisie,
noire ou blanche, qu’importe,
se climatisait une existence de produits made in France.
Je revois ta maison, camarade.
Une petite maison de terre séchée,
au toit de tôle ondulée,
une courette en terre battue
où ta femme courbée sur le feu
tournait dans la fumée
la bouillie de manioc, cette nourriture de damnés.
Et les enfants de ton quartier venaient à toi.
Non, ce n’est pas un conte de fées !
Les enfants de ton quartier
accouraient
et tu leur apprenais à chanter
l’Internationale
en langue nationale
« Etumba, oyo ya suka. »
Tout était simple en toi, Franklin.
Ta voix, ta vie, ton cœur.
Tout était clair en toi
Franklin,
clair comme la volonté d’aider les masses opprimées
à conquérir leur joie, leur sourire,
leur liberté.
Tu as chanté
le courage des femmes penchées
sous le soleil de l’Équateur
des heures durant
pour arracher
d’un sol défertilisé par la rage de profit colonial
un peu de quoi nourrir leurs enfants.
Ces enfants, il en meurt la moitié
avant leur deuxième année,
de beaux enfants pourtant,
aux grands yeux d’espoir,
morts.
Assassinés par la rapacité impérialiste.
Tu as chanté
la lente lumière montée au sein des masses congolaises,
leur volonté de dire « non »
aux mascarades néocoloniales qui ont suivi l’indépendance,
celle qu’un général venu d’ailleurs leur accorda
comme un cadeau hautain, empoisonné.
Tu as chanté aussi le courage
et la volonté de lutte des peuples du monde entier.
La chanson « Les Immortels »
disait tous les héros de ce combat héroïque
Lumumba, Che Guevara,
Van Troi, Mehdi Ben Barka,
Malcom X et Camillo Torrès.
Tous ces morts assassinés
pour avoir servi le peuple du monde entier.
Mais ce champ, camarade,
était pourtant un hymne à la joie,
à l’espoir,
un hymne à la grandeur de l’homme qui, les mains nues,
mais le cœur plein d’amour,
se dresse contre l’oppresseur.
Tu es maintenant de ces hommes, camarade
de ces Immortels de la Révolution prolétarienne.
Une nuit de février,
c’était l’an dernier,
des sbires de l’impérialisme français,
quelques-uns de tes frères de peau
mais de tes ennemis de classe,
sont venus te chercher
dans la prison où il t’avait jeté le 22 février,
jeté avec des centaines d’autres camarades,
coupables d’avoir voulu servir le peuple,
de vrais frères ceux-là,
de peau et de classe,
ceux pour qui le drapeau rouge n’est pas une arme anti peuple,
mais une flamme ardente de justice et de liberté.
Les sbires sont venus
cette nuit-là de février.
Ils t’ont fait monter avec quelques autres
dans le camion de la liquidation.
Hors de la ville,
loin des masses qui t’auraient protégé,
phares braqués pour mieux viser, les lâches.
Tu es tombé,
camarade,
sous le feu de leurs mitraillettes made in France,
made in néocolonialisme.
Ils ont voulu tuer en toi, Franklin,
le chant pur de la Révolution,
cette voix qui disait
la volonté de ton peuple de lutter jusqu’au bout,
la volonté de tous les peuples
de se libérer à jamais de leurs chaînes.
Ta voix s’est tue, camarade,
sous le feu de leurs mitraillettes,
mais cette volonté que tu as tant chantée
s’est renforcée de notre douleur,
de notre colère,
de notre haine.
Nous sommes déterminés à te venger,
camarade,
nous tous les frères de classe,
peau noire ou blanche qu’importe,
et à faire triompher sur le monde entier
le drapeau rouge des opprimés.
Etumba oyo ya suka,
camarade.
(Paule Lejeune)
Commentaires récents